[http://www.lmsoft.com/] *La mémoire non consciente (Pour La Science Hors-Série n°31 - 2001) La mémoire n'est pas une entité unique, elle est composée de différents systèmes et seul l'un d'entre eux est accessible à la conscience: la mémoire déclarative. Celle-ci a pour base anatomique le lobe temporal médian. Certaines formes de mémoire comme l'acquisition d'habiletés motrices ne sont pas conscientes. L'habituation, le conditionnement classique et la sensibilisation sont des formes de mémoire inconsciente. Trois autres mémoires non déclaratives existent et nous permettent d'apprendre sans que nous ayons la moindre conscience de ce qui a été appris: l'amorçage, l'apprentissage perceptif et l'apprentissage émotionnel. Habiletés motrices L'acquisition de nombreuses habitudes au début de la vie se fait sans que l'on ait conscience d'un apprentissage: une grande partie des procédures permettant à un sujet d'agir sur son environnement sont acquises de façon implicite. Ainsi les habiletés apprises sont-elles insérées dans des procédures qui peuvent être exprimées par l'action. L'expérience montre qu'essayer d'exprimer une connaissance consciente sur une habileté motrice au cours de son exécution détériore la performance. Le cortex préfrontal, le cortex pariétal et le cervelet sont tous trois activés au cours des premiers stades de l'apprentissage moteur. La combinaison de leur activité permet l'assemblage des mouvements corrects ainsi que l'allocation à la tâche de ressources de l'attention et de la mémoire de travail. Quand la tâche a été longuement pratiquée, l'activité de ces trois structures diminue, tandis que celle d'autres structures, le cortex moteur et l'aire motrice adajacente, augmente. Les formes élémentaires de la mémoire motrice (comme les actes réflexes qui régissent les réactions de défense) sont stockées dans la moëlle épinière et le cervelet. La mémoire motrice stockées dans ces structures ainsi que dans celles sus-jacentes qui les modulent (noyaux du thalamus, ganglions de la base et hypothalamus) est phylétique - c'est une mémoire d'espèce - mémoire innée, stéréotypée et associée à des conduites instinctives. Les réseaux de la mémoire perceptive et de la mémoire motrice s'organisent hiérarchiquement à partir des cortex primaires sensoriels et moteurs, fondements de la mémoire phylétique. Amorçage L'amorçage désigne l'amélioration de la capacité à détecter ou identifier des mots ou des objets peu après les avoir rencontrés. C'est un phénomène de mémoire inconsient, qui améliore la vitesse et l'efficacité de perception de stimulus récemment rencontrés. Les études en imagerie TEP montrent que l'amorçage est essentiellement visuel et qu'il se produit en amont des voies de traitement visuel, avant l'analyse de la signification. La mémoire implicite participe aussi à la construction des catégories et des concepts. Certains types de catégorisations sont non déclaratives. Il est possible d'acquérir des connaissances sur les catégories de manière implicite, même lorsque la mémoire déclarative pour les exemplaires qui définissent la catégorie est déficitaire. Comme pour l'amorçage, nous traitons la catégorisation des nouvelles configurations avec le cortex visuel postérieur. Les configurations appartenant à la catégorie entraînée sont traitées plus rapidement que les configurations qui ne lui appartiennent pas. Autre aspect de la mémoire implicite: une bonne partie de ce que nous nommons "intuition" est fondée sur la mémoire non déclarative, et s'est construit sur l'expérience. Apprentissage émotionnel Expérience d'apprentissage inconscient des goûts et des dégoûts: on présente d'abord des figures géométriques à des sujets si vite (environ une milliseconde par figure) que c'est tout juste s'ils pouvaient voir que ce soit. D'ailleurs lors d'un test ultérieur, ils étaient incapables de reconnaître comme familières les formes présentées. Cependant, lorsqu'on leur demandait d'indiquer leurs préférences, les sujets préféraient les formes qu'ils avaient vues aux nouvelles formes. Cet apprentissage émotionnel se produit hors de la cognition consciente. *Organisation anatomique du travail de mémorisation ¤ Les différentes formes de mémoire implicite dépendent de systèmes cérébraux distincts: -l'amorçage et l'apprentissage perceptif sont intrinsèques à la machine perceptive du cortex; -l'apprentissage émotionnel nécessite l'intervention de l'amygdale; -l'apprentissage des habiletés et des habitudes dépendent de manière critique du néostriatum; -le cervelet contrôle les réponses motrices du conditionnement classique ¤La fabrication des souvenirs Ce sont des relations spécifiques entre neurones qui façonnent les souvenirs, et non des molécules ou des neurones de la mémoire. Les mêmes zones corticales servent à la fois au stockage de la mémoire perceptive et au traitement des informations sensorielles, ce qui donne un support neuronal aux relations entre la perception et la mémoire. Nous enregistrons ce que nous percevons et nous percevons ce que nous enregistrons. Au cours d'une perception, nous projetons sur le monde nos attentes et "nos hypothèses" fondées sur l'expérience passée. L'hippocampe ne jouerait pas uniquement un rôle dans la représentation spatiale de l'environnement, il serait aussi le lieu de traitement des informations sensorielles, spatiales et cognitives (y compris émotionnelles) présentes au moment de l'acquisition. Il ferait un lien entre toutes ses informations, qui deviennent réactivables ensemble lors de la réévocation du souvenir.
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