[http://www.lmsoft.com/] Intérêt de l'hypnose en anesthésie Docteur Danièle SENMARTIN - BITAR Anesthésie - Réanimation de la maternité de l'hopital Pellegrin Connue depuis l'antiquité, l'hypnose a évolué : elle était autoritaire : elle est maintenant respectueuse et créative. Elle surgit de nouveau et avec vivacité dans le monde médical. Ce bref exposé se propose de retracer un peu d'histoire, puis d'expliquer la technique d'hypnosédation et d'exposer quelques études cliniques. Historique: On a retrouvé des gravures égyptiennes montrant des scènes d'hypnose, témoignage de sa présence dans les temps les plus anciens. L'hypnose était alors souvent intégrée au phénomène religieux ou surnaturel. Au XVIIIème siècle, un médecin autrichien s'interrogea sur la nature de l'hypnose et voulut donner une explication scientifique. Naquit la notion de "magnétisme animal": fluide magnétique circulant dans le sujet hypnotisé ou entre le sujet et l'hypnotiseur. Puis cette notion physique fut remplacée par une notion psychologique, baptisée hypnotisme :"état de somnambulisme que l'on peut induire et auquel on peut mettre fin à volonté". (Braid, 1843) En 1821, Récamier aurait pratiqué une ablation du sein sous hypnose seule. En 1843, un chirurgien britannique rapporte 345 interventions chirurgicales, essentiellement des amputations de membres sur des champs de bataille, sous anesthésie magnétique. En 1846, T. G. Morton utilise l'éther en anesthésie à l'hôpital de Boston. Ce sont les débuts de l'anesthésie par inhalation; l'hypnose en anesthésie tombe alors dans les oubliettes. En 1884, le professeur Charcot (à la Salle Pétrière) observe un grand nombre d'inductions hypnotiques chez ses patientes hystériques. Il en déduit que l'hypnose est un symptôme de l'hystérie. Freud utilisera aussi beaucoup l'hypnose à ses débuts, puis il découvrira la psychanalyse et laissera de coté l'hypnose. A la même époque, Bernheim (Ecole de Nancy) utilise l'hypnose en thérapeutique psychiatrique ; mais pour lui l'hypnose est un résultat de la suggestion et donc applicable à tous les patients. De cette divergence entre l'école de la Pitié et l'école de Nancy naquit une querelle qui se poursuivra jusqu'à ce jour. Dans les années 1950, l'école éricksonienne de psychiatrie renouvelle les thérapeutiques hypnotiques (Milton Erickson, 1901-1980). Plus récemment en Suisse, les médecins utilisent l'hypnose pour réaliser les pansements des grands brûlés (Forster). Dans les années 1990, l'hypnose est couplée à une légère sédation intraveineuse et à une anesthésie locale en chirurgie maxillofaciale, plastique et pédiatrique. C'est une nouvelle technique d'anesthésie appelée hypnosédation (Marie Elisabeth Faymonville, Belgique). L'hypnose : L'environnement doit être silencieux : diminution des alarmes sonores, des sonneries téléphoniques et conversation par signes ou chuchotée. La lumière doit être douce au moment de l'induction hypnotique. Les tables d'instrument doivent être préparées à l'avance. L'hypnose est un état de conscience modifié. Pour parvenir à cet état, le patient doit se détacher de l'environnement : fixation d'un point fixe ou fermeture des paupières. Le médecin induit une brève relaxation physique soit en passant en revue les muscles du corps et en demandant au patient leur relâchement, soit en travaillant sur la respiration du patient. La voix du médecin se fait de plus en plus douce. Le patient se concentre sur son monde intérieur. Le médecin n'utilise que des connotations positives dans son vocabulaire (exemple : inconfort au lieu de douleur). Cette technique de communication favorise la dissociation de l'esprit par rapport au corps. Accaparé par lui-même, le patient entre dans un état modifié de conscience qui lui permet d'accéder à sa mémoire et à ses apprentissages inconscients. Le processus hypnotique sous-entend la motivation, la collaboration active et la suggestion. L'hypnotiseur utilise un langage répétitif et monotone, un langage métaphorique, dont le sens se prête à des interprétations multiples. Lors de l'état d'hypnose, on observe des phénomènes d'ordre moteur (relâchement musculaire et immobilité) et sensoriels (élévation du seuil de la douleur). Le patient, envahi par une sensation de détente profonde, reste conscient, mais se dissocie de l'intervention en allant revivre dans sa mémoire des moment agréables. A la fin de l'intervention, sur injonction du médecin anesthésiste qui reprend une expression verbale normale le patient est invité en quelques secondes à réintégrer l'état de conscience en adhérant à nouveau à l'environnement extérieur. Ce que n'est pas l'hypnose : -Elle n'est pas une thérapie mais un outil. -Elle n'est pas de la magie. -Elle n'est pas la main mise d'une personne sur une autre personne. -Elle n'est pas extraordinaire. Les contre-indications sont : la surdité, les pathologies psychiatriques sévères. L'Hypnosédation : C'est une technique combinant l'hypnose à une sédation IV consciente, développée dans les chirurgies accessibles à l'anesthésie locale. Cela nécessite d'expliquer la technique au patient et sa collaboration ainsi que celle des chirurgiens et des infirmières. Elle entraîne une modification de l'approche relationnelle avec le patient et l'équipe chirurgicale. Intérêt de l'hypnosédation : Le patient est calme et immobile, son confort est optimal. La récupération est très rapide ; Les études montrent une diminution de la morbidité péri opératoire, de la durée d'hospitalisation et de la réduction des coûts de soins de santé. Intérêt de l'hypnose en anesthésie : Le groupe ISPOCD (International Study of Postoperative Cognitive Dysfunction) provenant de 7 pays de la CEE a étudié l'incidence des dysfonctions cognitives postopératoires après une AG pour une chirurgie non cardiaque (26 % à 7 j et 10 % à 3 mois contre 3.4 % et 2.8 % dans une population contrôle). L'hypnosédation est une technique d'anesthésie où le patient reste conscient, on peut donc penser diminuer ou éviter les disfonctions cognitives post opératoires. Etudes cliniques : Étude M.E. Faymonville et al (Reg Anesth 1995; 20: 145-151). C'est une étude rétrospective sur 337 patients de chirurgie plastique: - 137 sédations IV - 172 hypnosédations - 28 relaxations Le score de douleur est le plus bas dans le groupe hypnose (p< 0.01): - le groupe hypnose 1.36 ± 0.12 - le groupe relaxation 1.82 ± 0.6 - le groupe sédation IV 4.9 ± 0.6 Le score d'anxiété est le plus bas dans le groupe hypnose (p<0.01): - le groupe hypnose 0.7 ± 0.11 - le groupe relaxation 2.08 ± 0.4 - le groupe sédation IV 5.6 ± 1.6 Les nausées et les vomissements post-opératoires atteignent les taux les plus bas dans le groupe hypnose: - le groupe hypnose 1.2 % - le groupe relaxation 12.8 % - le groupe sédation IV 26.7 % La consommation de midazolam en mg/kg/h est la plus basse dans le groupe hypnose (p<0.01): - le groupe hypnose 0.04 ± 0.002 - le groupe relaxation 0.007 ± 0.005 - le groupe sédation IV 0.11 ± 0.01 La consommation d'alfentanil en µg/kg/h est la plus basse dans le groupe hypnose (p<0.002): - le groupe hypnose 10.2 ± 0.6 - le groupe relaxation 15.5 ± 2.07 - le groupe sédation IV 14.3 ± 1.5 Etudes cliniques : Étude T.Defechereux et al (Ann Chir 2000;125:539-546) : c'est une étude prospective randomisée de deux groupes de 20 patients devant être opérés d'une lobectomie thyroïdienne (groupe hypnosédation et groupe AG). Les deux groupes sont comparables dans la durée opératoire,les pertes sanguines et le confort opératoire Le taux de cortisolurie des 24h: 122±219 mcg/L dans le groupe AG versus 70 ± 39 mcg/L dans le groupe hypnosédation, témoigne de l'absence d'augmentation d'hormone de stress dans le deuxième groupe. Les taux d'IL 6 et de CRP à la 6ème heure et à J1 sont significativement plus bas dans le groupe hypnosédation. Les critères suivants: douleur,consommation d'antalgiques, anxiété, fatigue, nausées, vomissements, reprise du travail et taux de satisfaction de l'anesthésie sont significativement différents et en faveur de l'hypnosédation. Les variations hémodynamiques sont significativement diminuées dans le groupe hypnosédation Conclusion : la technique d'hypnosédation améliore la convalescence des opérés probablement à la faveur d'un stress opératoire atténué et des capacités antalgiques de l'hypnose. Bases neurophysiologiques de l'état d'hypnose : Aucune activité EEG ne constitue un critère neuro-physiologique du processus hypnotique. La neuro anatomie fonctionnelle de l'état hypnotique a été étudiée (Biol Psychiatry 1999;45: 327-333) par l'étude du débit sanguin cérébral par injections d'eau marquée à l'oxygène 15. 15 volontaires sains entre 20 et 40 ans ont été scannés au pet-scan en état de conscience habituel,en état d'hypnose,en imagerie mentale (souvenirs d'évènements autobiographiques agréables). La cartographie des régions activées montre une activation des cortex visuels, du cervelet et du cortex occipital et du cortex cingulaire antérieur. Cette cartographie diffère de l'imagerie mentale par la désactivation du précunéus. Ce pattern d'activation cérébrale distingue l'état d'hypnose d'autres phénomènes hallucinatoires: hallucinations du schizophrène, rêve. Il diffère de l'état de conscience habituel. L'état d'hypnose est associé à un EEG en état d'éveil (rythme alpha). C'est un état de conscience modifié (« veille paradoxale » de François Roustang). Extrait : * Et je veux que tu choisisses,dans ton passé,un moment où tu étais une petite,une très petite fille. Et ma voix t'accompagnera. Et ma voix deviendra celle de tes parents, celle de tes voisins, celle de tes amis, celle de tes camarades d'école, celle de tes copines de jeu, celle de tes maîtresses. Et je veux que tu te retrouves assise dans la salle de classe, toi, petite fille que quelque chose a rendu heureuse, quelque chose qui est arrivé depuis longtemps, que tu as oublié depuis longtemps. M.H.Erickson Conclusion : La recherche d'une technique d'anesthésie qui évite le coma pharmacologique et qui diminue la morbidité mortalité, notamment dans une population fragilisée, tout en garantissant le confort du patient et du chirurgien, paraît donc utile. Dans la population jeune active, une technique d'anesthésie permettant une récupération post opératoire très rapide est aussi intéressante.
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